Au fil des années et des printemps, le processus s’affine grâce à des prélèvements de pivoines dans les jardins botaniques et à mes propres plantations dans le parc de l’Abbaye de la Prée dans le Berry, à l’occasion d’une résidence de plusieurs mois. Ce sont, en particulier, les fascinantes pivoines arbustives japonaises, les Botan, aux noms incantatoires, Shima Nishiki, Shimano Fuji, Renkaku, Shichifukujin, Hana Daijin, Yagumo, qui me troublent le plus. La pivoine est une fleur muette. Insaisissable, il est impossible de capturer son parfum, il est impossible de la cultiver hors-saison.
La constitution de cet herbier contemporain est la base d’un travail de recherche autour du papier, du cuivre, du végétal. Ce qui m’intéresse, c’est de trouver une manière de traduire l’ineffable, de retranscrire l’instant où la pivoine est à l’apogée de son épanouissement, où elle dévoile sa géométrie. Chaque pièce est pensée dans l’entièreté de la pivoine, aucun pétale n’est oublié et chacun d’eux devient un élément de langage. Cette fleur, ainsi déployée, superposée, creusée, livre généreusement sa prose.
Ma démarche artistique est un questionnement sur la vibration imperceptible et silencieuse du vivant. C’est un processus dans lequel s’ancrent plusieurs rythmes et temporalités : le temps de cultiver, le temps de fleurir, de «défleurer», le temps de sécher, de détourer, de répertorier, de découper, de relier ; le temps de graver, d’encrer, d’imprimer. Ma démarche est intimement liée au geste, à la lenteur, à la répétition et à l’humilité face à ce que nous offre la nature.